Engagée sur le projet de film documentaire « Graines d’espoir » de Pierre Beccu aux côtés de José Garcia et Pierre Rabhi, la comédienne et humoriste Roukiata Ouedraogo livre une tranche de vie. Un moment qu’elle a partagé avec la classe de seconde ASSP4 du lycée Louise-Michel à Champigny lors du tournage d’une séquence du film en février dernier. Entretien sous le signe de la générosité.
Pourquoi vous êtes-vous engagée dans ce projet documentaire ?
Roukiata Ouedraogo : Comment refuser ? Je suis originaire du Burkina Faso et une des initiatives du film se passe là-bas. Au-delà de ce trait commun, le projet en lui-même est généreux. Des jeunes qui apprennent le cinéma, filment, réagissent à des projets durables qui ont lieu dans différents territoires… Lorsque Pierre Beccu m’a proposé de participer au film, j’ai été séduite par le sujet et cet espoir qu’il vise, d’une humanité qui est sous nos yeux. Aujourd’hui, je rencontre des jeunes, je les fais réagir, je les aide à réfléchir sur des projets d’avenir positifs, sur l’avenir qu’ils imaginent pour eux.
Quelle raison vous a poussée à partager votre parcours avec les élèves ?
RO : C’est une façon de dire « vous pouvez réaliser vos rêves. » Mon parcours a été semé d’embûches, de difficultés. Il est complètement atypique ! Quand je suis arrivée en France, il y a 20 ans, je voulais faire du stylisme mon métier, et on m’a dit : « vous êtes africaine, vous êtes généreuse, mais le stylisme est réservé à une certaine élite. » Je ne me suis pas démotivée. J’ai été caissière, femme de ménage… J’ai vite compris que ce n’était pas pour moi. Et puis, d’autres voies se sont ouvertes.
Des voies se sont ouvertes...
RO : J’écrivais des poèmes qui exprimaient mon désir de sortir de mon quotidien, j'avais l'esprit curieux, l’art m’intéressait mais, de là où j'étais, je n'avais accès à rien ou presque. J’ai été repérée pour faire du mannequinat, J'ai fait une formation de maquilleuse. Je me cherchais un peu… Et comme le français n’était pas ma langue maternelle, je voulais apprendre à m’exprimer, à parler en public. J’avais beaucoup de choses à dire mais, dans ma culture, on n’apprend pas vraiment aux filles à s’exprimer. J’ai fait un stage au cours Florent, de prise de parole en public. Ca a été une claque ! Ça m’a libérée et aidée à accepter mon accent. Mon professeur, Georges Bécot, m’a dit, « tu as quelque chose, inscris-toi ». J’ai bossé dur, je faisais de l’intérim, je travaillais le week-end pour payer les cours de théâtre que je suivais en semaine. Et puis, j’ai obtenu mon diplôme d’art dramatique et commencé à monter mes propres spectacles de théâtre. En attendant le grand rôle au cinéma, j'ai monté trois « Seule en scène », dont le dernier, « Je demande la route » qui est actuellement en tournée dans toute la France.
Vous êtes une leçon de vie ?
RO : Je ne sais pas si je suis une leçon de vie, mais j'ai su profiter de ma chance et j'ai surtout su la provoquer. Dans ce métier, il ne faut pas rester assis et attendre que le rôle tombe du ciel. Il faut s'accrocher et se battre pour ses rêves, le rêve ! Alors, j’ai envie de dire à ceux qui viennent me voir sur scène, à ces jeunes du lycée, « croyez en vous, vivez à fond, accrochez-vous à vos rêves. » J’ai trouvé ma place grâce à l’humour qui est ma sauvegarde, une sorte de bouclier. Mais, je ne me définis pas comme une humoriste ; je suis une raconteuse d’histoire où l’humour, la bienveillance et l’amour ne sont jamais bien loin. J’ai trouvé ma place sur scène ; ces jeunes lycéens ont à trouver la leur. Et il y a une place pour tout le monde !
Propos recuellis par Virginie Morin
Photos : Xavier Cambervel
Roukiata Ouedraogo est une actrice et humoriste burkinabé, tient régulièrement des chroniques sur France Inter et joue un nouveau spectacle « Je demande la route » à l’Européen à Paris du 4 au 7 décembre 2019 (leuropeen.paris et Fnac.com)