Qu’ils soient français ou allemands, les soldats sont pris dans la tourmente…
Le 30 novembre, la division Malroy s’approche des fours à chaux :
« Les bombes des Prussiens commencent à rappliquer sur l’artillerie pour l’empêcher de se placer et viennent éclater sur nos têtes et lancent des éclats tout au milieu de nous. Notre artillerie parvient à se placer et commence à gronder d’une assez jolie façon, mais les bombes des Prussiens redoublent et toutes celles qui ne tombaient pas sur l’artillerie venaient tomber un peu au bas de nous. Chaque fois que l’on entendait siffler une de ces bombes on voyait être sa dernière heure et on se resserrait encore contre la terre car elles passaient si près de nous que si on avait été droit on aurait pu être taillé en deux.»
Carnet de guerre d’Edouard Retel, mobile de la Côte-d’Or
Fin de la journée, côté allemand :
« Jamais je n’oublierai cette journée ; quelques officiers prussiens disaient qu’elle avait été encore plus sanglante qu’à Gravelotte : le sol était labouré par les obus français. Notre batterie avait atteint un double but : elle avait efficacement canonné les Français, puis elle avait pendant un certain temps, concentré sur elle le tir de l’ennemi, temps pendant lequel les nôtres purent avancer sur Villiers. Pour la première fois, j’ai compris ce que veut dire supporter à découvert un feu d’artillerie. Nos canonniers se sont tenus admirablement et ont conservé le plus grand sang froid.»
Un artilleur wurtembergeois, cité par « Le Réveil » en date du 25 décembre 1870
1er décembre, jour de trêve :
« (…) A la tombée de la nuit, des patrouilles furent détachées jusqu’à la crête du plateau que les Français occupaient encore ; nous poussâmes plus loin que n’avaient fait nos brancardiers dans la journée. Ça et là gisaient encore des Français blessés dont les plaintes et les gémissements faisaient, dans le silence de la nuit, une sinistre impression. Nos patrouilles en rencontrèrent un certain nombre, et, tant bien que mal, les couvrirent de manteaux et de toiles de tente. Et, ce que nous avions de vin et de kirsch, nous l’abandonnâmes de bon cœur à ces malheureux blessés parmi lesquels un tambour de ligne, avec une balle dans le bas-ventre, éveilla plus particulièrement notre compassion. »
Karl Geyer, jeune soldat allemand soigné et recueilli par le docteur Bitterlin
Cité par Georges Bitterlin dans La Croix-rouge aux avant-postes
Après une journée de trève, vient la contre-offensive allemande du 2 décembre :
« A la tête de Champigny si l’attaque était violente, la résistance n’était pas moins vive, ni moins acharnée. Les compagnies du 42e n’avaient pu tenir dans les deux parcs, qu’on n’avait pas eu le temps de disposer pour une attaque sérieuse. Mais elles se repliaient lentement, se retranchaient derrière les murs, dans les maisons, faisaient feu sans relâche.. (…) Une de ces compagnies barricadée dans une maison (…) tint six heures sans reculer et ne se retira qu’après avoir brûlé jusqu’à la dernière cartouche et quand elle fut réduite à 15 hommes. »
Edouard Detaille « Récit de la Bataille de Champigny »
Laurence Doyen