Invité d’honneur de l’inauguration du Studio 66 et parrain d’une salle, l’écrivain et réalisateur Samuel Benchetrit porte toujours un attachement à sa ville d’enfance et à son cinéma de quartier. Il les évoque en pleine préparation de son prochain long-métrage Chien, inspiré de son roman éponyme. Regard bienveillant et engagé.
Champigny : un « coin » et un cinéma qui vous parlent ?
J’y suis né, j’y ai vécu toute mon enfance et je reste toujours attentif à cette ville. C’est un lien affectif. J’ai découvert les films là, dans ce cinéma, tous les mercredis avec mes copains. Il y avait des films populaires et d’auteurs, c’était mélangé. Les films qui m’ont marqué à l’époque ? Rocky, Indiana Jones et aussi, plus vieux, Merci la vie de Bertrand Blier. Cela m’avait bouleversé. On allait au restaurant en face du ciné, qui s’appelait Chez Charly.
La municipalité vous remettra les clés de la ville, un geste qui vous touche ?
Oui, cela me fait plaisir, même si je ne suis pas un afficionado des prix, Je ne cours pas après les honneurs. Mais c’est bien que le cinéma soit refait. Dans les banlieues, c’est tellement difficile, la culture est si évanouie qu’il est essentiel que le cinéma revive.
La culture populaire, c’est important ?
La culture populaire, c’est du divertissement et il en faut encore plus quand la vie est difficile. J’ai connu une époque avec beaucoup de culture et des éducateurs comme Belhassen Blimi qui faisaient un travail remarquable. Il faudrait créer des ateliers dans les cités HLM ; il y a aujourd’hui une grande méfiance quand même vis à vis de ces quartiers laissés pour compte.
Plus de culture, plus d’art ?
L’éducation, le sport et la culture sont les piliers de la République. On peut transformer la colère en art. On pourrait mettre un soin particulier là-dessus ; il y a des problèmes de moyens et de désamour même si les élus se battent. J’écris beaucoup sur le bonheur, mais mes films n’oublient pas le social. On ne montre souvent de la banlieue que la violence et la crise alors que, dans ces quartiers qui sont des ghettos, il y a la poésie, le langage, l’humour. Le regard manque de tendresse. Les quartiers sont bien plus beaux.
Un souvenir de votre enfance à Champigny ?
J’ai eu une enfance très heureuse dans ma tour des Mordacs, je sortais avec mes copains. Il y avait une forme d’insouciance, des pelouses pleines de gens et une grande solidarité. Je voulais faire du cinéma, je suis parti très jeune et j’ai beaucoup travaillé. Il y avait plus de chance pour ceux de ma génération, c’est plus dur pour les jeunes alors qu’il y a beaucoup d’artistes en puissance. On se «sert» mal de nos jeunes de la République. En 2005, j’ai été horrifié par l’idée du «karcher», et personne n’a essayé de comprendre, d’écouter. Cela m’attriste.
Votre actualité, c’est la préparation de votre prochain film Chien…
C’est une aventure dingue ! C’est une adaptation du livre. Cela parle de la déshumanisation d’un homme quitté par sa femme, qui va affronter des épreuves et finir par avoir des liens avec un dresseur et devenir un chien. Le casting est fou et très excitant : avec Vincent Macaigne, Vanessa Paradis et Jean-Claude Van Damme. Nous tournons en octobre.
Propos recueillis par Sophie Durat
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Crédit Photo : François Bouchon