Mardi 19 mars était organisée une cérémonie pour la commémoration du Cessez-le-feu en Algérie, en présence du maire Christian Fautré, d'élus et d'anciens combattants.
Organisée par la Ville de Champigny en partenariat avec les associations d’anciens combattants. L'intégralité du discours du maire est consultable ci-dessous, ainsi que les photos de la cérémonie.
Intervention de Christian Fautré, le 19 mars 2019
Mesdames messieurs les conseillers régionaux et départementaux,
Chers collèges,
Mesdames et messieurs les responsables et membres des associations d’anciens combattants,
Chers amis,
Cela fait aujourd’hui 57 ans que les accords d’Evian scellaient, enfin !, le cessez le feu en Algérie, après plus de 130 ans de colonisation et 8 ans de guerre meurtrière.
28 000 jeunes français sont morts, 300 000 sont revenus blessés, mutilés, traumatisés. Côté algérien, les chiffres varient et ne seront peut-être jamais connus avec certitude : 300 000 ?, un demi-million de victimes ? Sans compter les arrestations, les tortures, les viols, les disparitions.
Ces années furent des années de terreur et d’abominations. Les accords d’Evian mirent fin aux combats, mais pas aux blessures, aux fractures et aux haines, que certains, encore aujourd’hui, attisent, revendiquant les bienfaits de la colonisation française.
C’est pourquoi il faut se féliciter et toujours parler du 19 mars 1962, qui n’est officiellement reconnu comme date nationale et commémoré, que depuis quatre ans ; en particulier grâce à l’action des anciens combattants de la FNACA, que je salue ce matin.
Ce passé est le nôtre - Français, Algériens et binationaux confondus. Nous devons le regarder en face et l’assumer, pour mieux comprendre et refuser que puisse se répéter une telle boucherie.
Pour cela, il a fallu passer par la reconnaissance des faits, et des responsabilités des crimes. Oui, le passé colonial de la France, a inscrit une tache indélébile sur le fronton du pays des droits de l’homme.
Et il aura fallu de longues années, pour que l’Etat le déclare, permettant enfin d’ouvrir une porte au travail de mémoire et à la construction d’un autre avenir commun.
En cet instant, j’ai une pensée forte pour Maurice et Josette Audin. La torture et l’assassinat par l’armée française, du jeune mathématicien communiste algérien, en juin 1957, a été officiellement reconnu par notre président de la république il y a quelques mois, donnant lieu à des excuses publiques de la France auprès de Josette. Josette Audin, qui s’est éteinte le mois dernier, quelques semaines après ces excuses officielles, et après 61 ans d’un combat personnel, soutenu par le journal l’Humanité dès le lendemain de l’enlèvement de Maurice, en juillet 57. Comme si enfin, elle pouvait partir, libre et fière de son combat.
Evidemment, en pensant à eux, je pense aux milliers de pacifistes en Algérie et en France, qui durant cette guerre, se sont mobilisés pour que la France mette fin à sa politique coloniale, de pillage des richesses du pays, de son gaz naturel comme de ses vergers, jusqu’à sa main d’œuvre.
La résistance algérienne, les militants pacifistes et anti-colonialistes en France, payeront le prix fort de leur engagement, comme ce 17 octobre 1961, où des Algériens sont jetés dans la Seine. Comme ce 8 février 1962 où 9 militants de la CGT et communistes meurent au métro Charonne, sous les ordres du préfet Papon.
Notre ville conserve la trace vivante de cette histoire, face à l’Hôtel de Ville et en ayant nommé l’un de nos bâtiments publics, Daniel Fery, l’un de ces neuf martyrs.
C’est parce que cette cause était juste et c’est grâce à toute cette résistance, ces mobilisations, que l’opinion française, début 1962, bascule majoritairement en faveur de la fin de la guerre. Ils seront 90 % au lendemain des accords.
Quelle rage de constater que guerre après guerre, quelques que soient les époques, les états et les gouvernements ne retiennent pas les leçons de l’Histoire. Et que la paix, la justice, portées par la volonté des peuples, doit toujours finir par l’emporter !
Ce 19 mars 1962, les accords d’Evian scellent la fin des combats et doivent être célébrés comme une victoire. La victoire de la vie sur la mort, de la paix sur la guerre, de l’intérêt des hommes sur ceux de la cupidité.
De 1954 à 1962, la guerre d’Algérie a mobilisé plus de deux millions de jeunes Français. Cette génération a été sacrifiée, marquée de façon irréversible par la cruauté de la guerre.
Cela mérite réparation tant ce conflit a profondément marqué notre mémoire collective et nos histoires familiales. De part et d’autre de la Méditerranée, elles sont toujours nombreuses à être meurtries et endeuillées.
En célébrant la fin de la guerre, nous nous inclinons devant tous les morts qu’elle a produits. Nous honorons la mémoire de celles et ceux, civils et militaires, Français et Algériens, morts ou portés disparus.
J’ai une autre pensée aujourd’hui, en observant avec recul et respect, l’actualité de l’Algérie, indépendante, qui montre ces dernières semaines sa capacité à avancer, dans la société qu’elle s’est choisie, avec dignité.
Clin d’œil malicieux de l’histoire, c’est la Place publique Maurice Audin, à Alger, qui accueille les grandes manifestations populaires, et d’une jeunesse algérienne qui veut continuer à maitriser l’avenir de son pays. Ce n’est pas un hasard, et le choix de la place portant ce nom est lourd de sens. Je m’en réjouis.
La France doit s’engager davantage dans une politique de coopération respectueuse ; sans ingérence comme elle pourrait encore, malheureusement, en avoir l’envie d’une manière ou d’une autre.
Pour notre part, Champigny poursuit inlassablement son travail de mémoire, de passeur d’histoire, de lutte pour la paix et la fraternité dans le monde. Nous continuons de porter fièrement nos idéaux et nos valeurs qui font de notre ville, une ville-monde, accueillante, solidaire, où la diversité des cultures, des origines, font toute notre richesse.
Je finirais par ces vers de la poétesse algérienne, Djamila Bouhired :
« D’un seul pas nous avons marché vers la liberté,
d’un seul élan nous avons arraché notre dignité.
Nos forces unies, nos âmes enlacées, nos cœurs lacérés,
vous êtes partis et je suis restée là… »
Christian Fautré,
Maire de Champigny-sur-Marne
Images D. Rullier